Pourquoi les fab labs ne remplaceront-ils pas l'industrie ?
Le concept de fab lab, en provenance d'amérique du nord (du MIT plus exactement), est très tendance depuis quelques temps dans le monde des nouvelles technologies. Ces "usines de production communautaires", pourraient au dire de certains, remplacer complètement le mode de production industrielle dans quelques dizaines d'années. Si les fab labs permettront de produire autrement et d'amener des citoyens à se réapproprier les moyens de production ou d'être plus créatif et innovant, il semble illusoire, par contre, de prétendre que les fab labs ont un potentiel de remplacement de l'industrie manufacturière.
Le fablab
Le concept de fablab (contraction de "Fabrication Laboratory") a été inventé au MIT (Massassuchet Institut of Technology) aux États Unis vers la fin des années 90. Les fab labs sont des ateliers communautaires et collaboratifs équipés de machines de production numériques et permettant aux individus de réaliser leurs propres objets. Les interfaces d'utilisation des machines à commande numérique sont simples et s'appuient sur une mise en réseau qui permet aux utilisateurs de s'échanger des fichiers (CAO pièce ou programme de FAO) qui pourront tourner sur plusieurs machines grâce à une inter-opérabilité très développée. Les machines dont sont équipées les fablabs sont multiples (fraiseuse, imprimante 3D, découpe jet d'eau, perceuse à colonne, scie à ruban, ..., machine à produire des circuits imprimés). Les fab labs sont en progression dans le monde (34 en 2008, 150 en 2012). Un appel à projet a d'ailleurs été lancé par le gouvernement français en juin 2013 pour inciter certains "espaces publics numériques" à se convertir en Fab labs officiels (respect de la chartre, certification, formation, affiliation possible au MIT ou au réseau mondial des fablab).
Les raisons de la limitation des fab labs
Nous avons listé, de manière non exhaustive, une demi-douzaine de raisons de croire que les fablabs ne remplaceront pas le modèle de production industriel actuel.
- La technologie des fablab repose pour l'essentiel sur des moyens de production simple d'utilisation, peu onéreux et peu capitalistique (perceuse, fraiseuse, imprimante 3D). Or un grand nombre de pièces actuelles présentes dans nos objets sont produites par des technologies lourdes et complexes (forge, verrerie, fonderie, laminage de tôle, emboutissage) leur donnant des caractéristiques mécaniques très robustes difficiles à égaler par les technologies de fabrication de type fab lab
- Le coût de production par fablab (en très petite série) sera toujours beaucoup plus important que le coût de production industrielle en grande série, tout simplement par un effet d'échelle et de volume (concentration des moyens de production sur quelques références et automatisation du process de production). Les fab labs peuvent difficilement répondre à une besoin d'équipement à bas prix des objets de la consommation de masse
- Tous les citoyens ne s'investiront pas dans les fablabs comme ils l'ont fait dans les TIC (télévision, ordinateur ou téléphonie). En effet, ces dernières technologies (les TIC , Technologie de l'Information et de la Communication) correspondent à un besoin fondamental de l'être humain -communiquer- alors que le besoin de fabriquer soit même semble moins fondamental (tout le monde ne bricole pas avec un tour à bois ...). On peut penser qu'au mieux, les fab labs ne toucheront que 2% à 3 % de la population dans les pays industrialisés
- Comme l'ordinateur n'a pas remplacé le papier ou comme l'automobile n'a pas remplacé le vélo (ou la marche à pied), les fab labs ne remplaceront pas l'industrie, mais viendront au mieux prendre une part de marché. On peut imaginer sans doute un modèle mixte où une partie d'un objet sera réalisé industriellement et où l'autre partie sera produit par les particuliers eux même (pour personnaliser cet objet ou l'adapter à leur besoin propre)
- Des objets trop gros (un réfrigérateur), trop sollicité mécaniquement, trop complexe (un véhicule automobile) ou faisant l'objet d'une réglementation lié à la sécurité (pression, vitesse, produits chimiques, ...) ne pourront faire l'objet d'une production par fablab
Si le mouvement des fab labs est plutot sympathique et s'inscrit dans la mouvance du DIY (Do It Yourself) qui replace le citoyen au coeur du process de production, son modèle économique et son impact sur les modes de production futurs nous semble devoir rester marginale quantitativement. Par contre, les retombées peuvent être davantage qualitatives et pousser à l'innovation technologiques ou à la création de nouveaux objets répondant mieux aux besoins des utilisateurs.